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Sauveur Carlus

graphiste, illustrateur, peintre, auteur, compositeur, interprète

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Palimpseste

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Prologue

Il était une fois un petit garçon qui vivait avec sa grand-mère et sa soeur.


Petite maison, petite ruelle, petite école à deux pas... Tout était petit, mais tout était bien grand dans son cœur. Le petit jardin était forêt, les petites histoires que sa grand-mère lui racontait ouvraient sur des mondes, l'amour enfin qu'il portait à cette dernière et qu'elle lui portait sans doute était immense.


Tout semblait avoir été ainsi depuis toujours. Tout lui semblait normal et naturel. Et tout semblait éternel.


Que me reste-t-il alors aujourd'hui? Un trou béant en plein coeur, on doit semble-t-il continuer de marcher. Mais pourtant ce cœur bat encore... Dans la solitude, le sentiment vivace d'avoir été au moins aimé, porté ; et peut-être alors juste – mais certainement est-ce déjà beaucoup - le cadeau de pouvoir créer.


Laisser une trace. Je l'ai pensé, bien sûr.


À cinq ans, quand ma grand-mère m'emmena voir pour la première fois au cinéma Blanche-Neige et les sept nains, je fus foudroyé. Impressionné par la sorcière. Forcément. Mais surtout fasciné par la beauté des dessins. Dans une de ces étranges fulgurances qui peuvent traverser l'esprit à cet âge, je me suis dit que ces dessins ne dataient déjà pas d'hier et qu'ils parvenaient pourtant à me transporter et me faire rêver.


J'ai su ce jour-là ce que je voulais donc faire plus tard. Mais je ne mesurais pas encore les nuances de ce pouvoir.


Le fait de créer peut nous permettre en effet de laisser une trace. Mais ceci reste bien au final une illusion. Par contre, peut-être nous donne-t-il véritablement autre chose : dans notre petite existence, la possibilité de réécrire sans cesse, et jusqu'au bout.


Ainsi pourrait-on vivre à loisir son enfance, retrouver les personnes aimées, gommer, raturer les regrets, réinventer sa vie...


C'est donc tout naturellement que j'ai appelé cette exposition Palimpseste.


Un  palimpseste se dit d'un manuscrit dont on a effacé l'écriture pour y écrire de nouveau.


Les moines copistes du Moyen Âge procédaient souvent ainsi pour économiser le parchemin. La pensée et le labeur d'écriture balayés d'un seul coup au profit d'une cause bien plus pratique. Exercice d'humilité. Et pourtant, c'est sa nature même qui pourrait faire d'un palimpseste quelque chose de magique : un espace unique où l'impermanence côtoie enfin l'éternité.


Écrire, réécrire... Cela semble absurde. Comme tout le reste. Et pourtant l'écriture se nourrit à chaque fois d'un passage, d'une strate de vie. Fruit éternel de son enfance, on doit certainement changer un peu. Car si rien ne dure, où vont alors nos douleurs?


À force d'amoncellement, les années s'effacent. J'ai vingt ans. J'ai mille ans. Toujours ce sentiment d'être né hier, comme propulsé, sans lien, un peu perdu. La fougue alors de chaque matin, d'être vivant et d'embrasser le jour. Mais pourtant le cœur semble plus lourd. Des images en lui s'entrechoquent. La vie s'écrirait-elle en nous presque à notre insu?


J'ai alors eu soudain l'envie d'exprimer tout ceci. Modestement. Du mieux que j'ai pu. Peut-être me serai-je alors laissé prendre au piège des illusions. Mais tant pis.


Cette exposition me donnera, du moins je l'espère, l'éphémère satisfaction d'avoir suspendu un peu le temps, d'avoir réveillé et redonné la parole à ce qui est mort, mais qui vit encore puisque je vis.


Donner alors matière à cette sensation de n'être rien d'autre qu'un chaos diffus : émotions souvent contraires, joies fugaces, voyages et exils, amour et solitude, autant de lambeaux de papiers griffonnés, de patchworks raccommodés, d'images superposées...


Façonner et partager un palimpseste a d'autant plus de sens pour moi que les images et les mots cohabitent dans mon cœur depuis toujours.


Peindre, dessiner, écrire, composer même...


Tout s'efface et se chasse pour ne faire qu'un. Tout dépend de l'émotion. Oui, c'est donc certainement un cadeau inestimable de pouvoir créer ainsi sans barrière!


Mais face aux images, les mots semblent d'une force supérieure. Un seul mot peut évoquer tout un monde, les envies, les élans, les pulsions, les peurs et les cris...


C'est pourquoi j'ai tenu dans le sillage de cette exposition à éditer un recueil illustré. Si ce dernier fera office de programme, il apportera surtout une prolongation plus littéraire au travail que je présente ici : quelques textes que j'ai pu écrire et sans lesquels rien de tout ceci n'aurait de sens.


Strate... Derrière les images, les mots. Et au-delà des mots, résiderait-il encore autre chose? Peut-être la musique en effet.


Les mots parfois, souvent même, m'arrivent ainsi. C'est pourquoi je tiens, le soir du vernissage, à vous donner au piano deux de mes chansons. Juste deux. Pour être au plus près du centre de mon cœur.


Hommage. Car après tout voilà peut-être ma réelle motivation. Je ne suis rien que le fruit du combat silencieux d'une autre. Que ce cadeau aujourd'hui qui m'est donc fait de pouvoir créer serve alors à la mettre avant tout en lumière.


Je réentends sa voix me réconforter d'histoires, son rire dans le petit jardin, je ressens la chaleur de sa main en traversant la petite ruelle pour aller à l'école, cette main qui m'accompagna aussi pour la première fois au cinéma voir Blanche-Neige et les sept nains.


Laisser une trace serait-il alors possible? Donner, aimer, et donc finalement laisser à jamais une empreinte dans le cœur de celui qui vous survit.